Le Blog

Embarquez pour une lecture qui fera pétiller vos neurones !

Quels sont les grands enjeux des entreprises ?

Management
Elisabeth BEAUREGARD, Intervenante occasionnelle le 27 juin 2023
enjeux des entreprises

Et si on misait simplement sur ce qu’on a en magasin, c’est-à-dire notre capital humain ?

Comment sortir notre épingle du jeu ?

Nous évoluons dans un monde complexe, interdépendant d'un bout à l'autre de la planète. Et sommes confrontés, en mode accéléré, à de nombreuses menaces, qu'elles soient d'ordre écologiques, sanitaires, économiques, ou encore politiques.

C'est un monde paradoxal : tandis qu'un ou deux clics suffisent pour ouvrir une vaste fenêtre sur le monde, et donner accès à une multitude d'informations, et que la technologie nous décharge d'un certain nombre de tâches pénibles et/ou chronophages, nous voilà renvoyés par la même occasion à une forme d'impuissance.

Certes, tout est accessible, mais nous ne pouvons pas tout faire, tout traiter, tout assimiler. Oui, la technologie nous facilite la vie et repousse nos limites, mais elle questionne aussi notre valeur intrinsèque d'humain, ce qu'illustrent parfaitement les débats suscités par ChatGPT ou encore Midjourney: si ces robots super puissants font mon travail, qu'est-ce que je vais faire alors? Quelle va être ma valeur ?

Par ailleurs, notre quête de rapidité et de performance, associée à un fonctionnement souvent binaire qui compare, catégorise, étiquette, nous conduit à séparer, opposer, rester en surface. Et nous prive de précieuses informations pour appréhender notre environnement, dimensionner notre action et, in fine, obtenir un meilleur résultat. Sans compter la raréfaction des ressources naturelles et les crises successives, elles-mêmes génératrices de tensions...

Si cette crise existentielle se joue à l'échelle individuelle, elle impacte nécessairement les entreprises et plus largement les organisations, au sein desquelles nous évoluons au travers de nos consommations et de nos activités.

modeles organisationnelsElle bouscule en premier lieu, et ce n'est pas un scoop, la gestion des ressources humaines, interroge gouvernance et modèles organisationnels, et questionne la notion de valeur : Sur le plan des Ressources Humaines, recruter, conserver, engager devient une gageure avec des salariés en quête de sens, d'autonomie, attentifs à leur qualité de vie et leur équilibre pro/perso, sensibles à la qualité de leur management et aux opportunités d’apprentissage ; ces aspirations conduisent un certain nombre d'entre eux à tenter l'entreprenariat indépendant, changer de métier ou simplement de région.

Accentuant ainsi les déséquilibres entre secteurs d'activité ou zones géographiques ; et contribuant à une forme d'atomisation des savoir-faire, qu'il convient malgré tout d'assembler pour produire. Tout cela modifie en profondeur les relations entre parties prenantes et, avec elles, les modes de collaboration dans un contexte économique quelque peu tendu, avec des marges de manœuvre certes réelles, mais pas extensibles, ni homogènes. Face à cette situation, les entreprises activent différents leviers, avec de réelles avancées. Ils ne sont cependant pas sans "effets kiss cool" potentiels qu'il est préférable d'anticiper :

Augmenter les salaires ? Oui, bien sûr, mais jusqu'à quel point pour préserver la pérennité de l'entreprise, éviter des déséquilibres internes et un appel d'air trop important ? Plus de liberté ? Mille fois oui, pourvu qu'elle ne génère pas de pression supplémentaire liée à la nécessité de rendre compte dans les moindres détails, ou encore à une forme d'isolement - renforcé justement par le télétravail.

Gérer et développer des compétences ? Essentiel ! Mais pas simple : la rapidité d'évolution des métiers, l'allongement de la durée du temps de travail, les difficultés de fidélisation des salariés qui, potentiellement à peine formés, quittent l'entreprise, posent en effet de nombreuses questions : lesquelles privilégier ?

Comment accompagner les transitions ou bien encore les souhaits d'évolution voire de reconversion, et dans quelles limites ? Comment partager et conserver les savoir-faire, éviter qu'ils ne soient l'apanage de quelques-uns au risque qu'ils ne s'évaporent au gré des départs ? Ou qu'ils ne deviennent obsolètes à peine intégrés ? Comment protéger les compétences externalisées qui contribuent elles aussi à la création de valeur ? Etc…

Sur le plan de la gouvernance et des modèles organisationnels, l'économiste Olivier Favreau observe, dans article paru dans le Monde le 10 juin 2022, que les pays dans lesquels les règles de "codétermination" associent les salariés aux décisions, via une représentation au sein du conseil d'administration ou de surveillance et du conseil d'établissement, sont concernés dans une moindre mesure par le phénomène de "grande démission" (sont concernés l’Allemagne, l’Autriche, et les pays scandinaves);

Selon Dominique Méda1 également - Professeure de sociologie, directrice de l'Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Sociales (Université de Paris Dauphine-PSL) " la seule solution permettant vraiment de sortir de la logique mortifère aujourd’hui à l’œuvre dans le monde du travail est de donner enfin la parole et une partie du pouvoir à celles et ceux qui font le travail". A vrai dire, les modèles organisationnels avec une horizontalité plus marquée ne sont pas nouveaux : Isaac Getz, professeur à l'ESCP Business School dans les domaines du comportement organisationnel, du leadership et de la transformation organisationnelle a théorisé le concept des entreprises dites « libérées » 2 en 2009. Décriées par les uns, encensées par les autres, elles visent en tout cas à donner aux salariés la liberté d'agir pour le bien de l'entreprise. Et donc de l'autonomie, celle-là même qu'ils appellent de leurs vœux.

Quant à la notion de valeur, Pierre-Yves Gomez3 , économiste, professeur à l'EM Lyon, souligne dans son article "Quel sera l’effet de la « sociétalisation » des entreprises sur les organisations de travail ?" paru dans Le Monde le 07 février 2023, qu'on demande aux entreprises un déploiement responsable des activités économiques sans épuiser les ressources et mieux, de façon à contribuer à atténuer ou résoudre les problèmes climatiques et sociaux.

Dès lors, la valeur n'est plus seulement centrée sur le résultat mais également sur la façon dont elle est produite, avec quelle intention, quelles ressources, quels impacts. Elle questionne le sens, la raison d'être, les valeurs portées par l'entreprise, sa singularité, sans oublier son alignement entre la promesse et les façons de faire. Redéfinir la notion de valeur, revoir la gestion des ressources humaines, celle des compétences, changer les modèles organisationnels, tout en veillant à préserver la pérennité des activités : sacré défi !

Pour le relever, avant même les savoir-faire techniques relativement faciles à acquérir, et de toute façon voués à évoluer voire à disparaître à vitesse V, l'essentiel se joue à mon sens sur le registre de la posture : une fois expérimentée et intégrée, elle constitue un bagage "tout terrain" sur lequel s'appuyer en toute circonstance. Et dans lequel on trouverait :

  • Une bonne dose d'esprit critique, indispensable pour prendre du recul face aux vraies/fausses informations ou images qui circulent sans cesse, muscler nos capacités d'analyse et de jugement, garder la tête froide et veiller à ce que les évolutions technologiques restent bien au service de l'humain.
     
  • Des outils pour entrer en relation avec les autres, susceptibles de relier deux individus ou un collectif en identifianttravailler ensemble leurs motivations profondes. Pourquoi ? Parce que cela place la discussion au niveau de la stratégie sans entrer dans le « fondamental » propre à chacun. Ce qui limite les réactions de défense et de rejet. En outre, les stratégies étant potentiellement multiples, il est relativement aisé de trouver un terrain d'entente parmi plusieurs options, toutes en lien avec les objectifs de chacun. Y compris parmi celles auxquelles nous n'avions pas pensé ! Magique !
     
  • Une plus grande appropriation de nos parts de responsabilité individuelle : nous avons tendance à rejeter la faute sur les autres, notre langage est truffé d'expressions du type : "s'il m'avait parlé un peu mieux, je n'aurais pas réagi comme ça !"...Certes, notre interlocuteur a lancé les hostilités ; mais nous avons réagi, avec notre humeur et notre sensibilité du moment. De prime abord, c'est bien plus confortable. A y regarder de plus près pourtant, nous ne faisons pas moins que transférer vers autrui la responsabilité de notre bien-être, ce qui vous en conviendrez, lui donne un pouvoir considérable ! Impuissance, découragement, désengagement en découlent. A moins que ce ne soit la culpabilité qui ne prenne le dessus quand le reproche s'adresse à nous. De la culpabilité au manque de confiance en soi il n'y a qu'un pas...Sans compter qu’on
En somme, la solution consisterait à se doter d’un bagage qui facilite la coopération au sens large et fait appel à nos aptitudes humaines. Car, n'oublions pas que la collaboration nous a permis de survivre depuis la nuit des temps. Et que, petit clin d'œil, parmi les réponses apportées par ChatGPT à la question " Qu'est-ce qu'une machine ne peut pas faire à la place d'un humain ?", l'empathie et la compassion viennent en 1er lieu, suivies de la capacité à faire preuve de créativité dans la résolution de problèmes complexes, du fait de prendre des décisions éthiques et morales complexes et difficilement mesurables, sans oublier la capacité à faire preuve d''intelligence sociale : Youpiiii !!!! La boucle est bouclée !
Bibliographie

1 - Le Monde – 15/04/2023 – « La Codétermination apparaît comme la solution la plus raisonnable pour sortir de la crise de travail ».

2 - Synthèse établie par l’ANACT en 2015 (Agence Nationale pour l’amélioration des conditions de travail-Synthèse documentaire – L’Entreprise Libérée – septembre 2015) .

3 – Le Monde – 07/02/2023 « "Quel sera l’effet de la « sociétalisation » des entreprises sur les organisations de travail ?"

 

fr